C'est assurément un des plus beaux lieux de la ville : une salle patio enchâssée entre les étages de cette vaste maison florentine au cœur du Vieux Lyon, un puits de lumière descendu de la haute verrière se répandant sur les tables, on comprend que de nombreux dîners en amoureux se déroulent dans ce cadre d'exception embelli au fil des ans par le groupe Sibuet. Anthony Bonnet y est un chef fidèle et assuré : sa maîtrise technique a peut-être enlevé un peu d'audace au fil des ans, dans une carte construite et rassurante, mais elle permet de faire consensus pour une clientèle qui veut passer un moment en accord avec les lieux, champagne et attention diverses, la bougie d'anniversaire se mariant avec les chandeliers et bougeoirs sur les tables. Il va néanmoins falloir, dans les saisons à venir, régénérer un peu cette salle qui s'endort au fil des ans, enveloppant d'une certaine léthargie l'ensemble de la prestation. Il manque aujourd'hui une vraie direction de salle (les jeunes récitants s'acquittent de leurs tâches avec dévouement mais un brin sans âme), et le chef devrait peut-être faire un tour de salle de temps en temps pour donner de l'humain et de la consistance. Car les assiettes méritent qu'on les soutienne, même si, dans ce contexte, elles paraissent également moins punchy et inventives que par le passé : davantage que la production marine (coquilles saint-jacques et langoustines en carpaccio, bar de petit bateau avec une gourmande sauce champignons), nous avons beaucoup aimé le délicat fumé du cochon avec les champignons en chartreuse et l'excellent agneau fermier de Haute-Loire, en deux services, gigot fondant et très bien cuit, petit chou farci d'épaule en effilochée. Un beau travail sur les légumes, sélectionnés avec soin dans des apprêts classiques, un excellent dessert pomme en échafaudage de meringue (la fève de cacao croustillant de livèche et sarrasin est plus convenue) pour conserver deux belles toques. La cave un brin palace - avec des références classiques aux tarifs décourageants, le vin au verre, sans surprise ni découverte, démarrant à 15 €) - doit elle aussi s'ouvrir aux vignerons d'aujourd'hui.